En 20 ans de vie professionnelle comme manager d’une équipe de communicant.e.s, j’ai dû recruter une trentaine de collaborateurs.collaboratrices, juniors ou seniors. Aurélie, Émilie, Julie, Florent, Gilles… ont depuis longtemps pris leur envol et poursuivent leurs parcours dans diverses directions. Certain.e.s d’entre eux.elles dirigent aujourd’hui des départements Communication, d’autres ont bifurqué vers le non moins passionnant monde des agences ou du conseil.
Lorsque je me rappelle nos entretiens de recrutement, je ne me souviens pas de m’être particulièrement attaché à leur niveau de qualification, à la notoriété de leur école, ni au fait que leur diplôme était reconnu ou certifié par l’Etat. J’ai bien davantage porté attention à leurs identités humaines, leur « être », leurs savoir-être.
Cultiver les savoir-être
Lorsque l’on cherche à recruter pour son équipe, n’est-ce pas d’abord là que se cache le secret, dans la capacité de la future recrue à apporter son identité et sa personnalité de communicant.e au service d’une équipe, d’un collectif ? De proposer son « être », et de nouvelles façons de voir, pour renforcer la créativité, la différenciation ? D’apporter du calme au sein d’un collectif agité ? D’apporter de l’agilité à un environnement sclérosé ?
Aujourd’hui directeur d’un institut de formation pour de futurs jeunes professionnels dans les métiers de la communication et du journalisme, nous axons une grande partie de nos contenus pédagogiques autour des savoir-être indispensables à l’exercice de ce métier. Un article récent de Télérama relatait une expérience innovante de pédagogie au Canada pour des enfants de 8 à 14 ans : la Wolf School, qui connecte 3 jours sur 5 le jeune apprenant à la nature, en l’immergeant au cœur des forêts. « Les jeunes développent, au-delà d’un savoir-faire en matière de construction de cabanes, des compétences telles que curiosité, créativité, adaptabilité, empathie, sociabilité et esprit de coopération…, des savoir-être qui sont aujourd’hui recherchés par le monde du travail ».
À niveau de diplôme égal, nous observons que les jeunes diplômé.e.s en communication ou en journalisme disposent de savoir-faire assez équivalents, mais que les savoir-être sont vraiment inégalement distribués d’un individu à l’autre. Or c’est bien cela qui fera la différence demain, même si cela n’apparaît pas sur leur CV !
Ne pas tutoyer le PDG
J’ai été appelé il y a quelques mois par une responsable de la communication de la RATP, qui avait recruté l’un de mes étudiant.e.s en alternance. Si elle n’avait rien à reprocher à cet étudiant en matière de compétences, elle avait en revanche beaucoup à redire sur le plan du savoir-être. « Le pire », me dit-elle, « c’est lorsque votre étudiant a tutoyé notre PDG ». Effectivement, les codes de l’entreprise n’étaient pas encore acquis. Et je ne pense pas que ce soit une question de génération X, Y ou Z.
La problématique des savoir-être est à mon sens transgénérationnelle. Les parents, bien sûr, mais aussi nos écoles, avant et après le Bac, tout comme les tuteurs.tutrices de stage ou de contrats d’alternance, doivent œuvrer pour la mise en valeur de ces qualités humaines qui feront demain de nos jeunes de grands professionnel.le.s. Des compétences comme l’écoute, le travail en équipe, l’audace et la créativité, l’agilité et la capacité à se remettre en question, l’esprit critique, le sens de la responsabilité, doivent guider nos enseignements. C’est aussi comme cela que les métiers de la communication et du journalisme créeront de la valeur et se réinventeront, en formant les talents de demain, de jeunes professionnel.le.s-citoyen.ne.s et parties prenantes de leur monde.
Jean-Luc Letouzé, Président d’honneur COM-ENT, Directeur de l’IICP – Institut international de la communication de Paris