L’entreprise est un territoire à part où les règles se réinventent constamment, et ce, quel que soit le sujet. Celui de l’égalité homme/femme n’y échappe pas, bien au contraire… Parfois érigé comme le cheval de bataille de l’entreprise, il est pourtant vite relégué au second plan. Mais pourquoi ce sujet précisément est-il si changeant ?
Nos deux intervenants vous proposent de revenir aux racines du féminisme au sein de l’entreprise. Avec un regard à la croisée de la philosophie, de l’histoire et de la politique, ils parviendront à vous éclairer et à vous questionner sur ce phénomène de société.
Les intervenant.e.s :
Marie-Pauline Chartron, Doctorante en philosophie politique à l’université Paris- Sorbonne
Geoffroy Lauvau, Philosophe, enseignant chercheur associé au Cippa (Centre international de philosophie politique appliquée) à l’université Paris-Sorbonne
Comment définir le féminisme ?
Tout d’abord, les propos de nos deux expert.e.s sont exposés par le prisme de la philosophie, soit un regard plus abstrait, plus étranger que celui que chaque personne peut avoir dans sa réalité quotidienne. À la différence d’un sociologue qui constate les problèmes entre hommes et femmes et essaye de les comprendre, ou d’un militant qui part avec une idéologie, l’approche du philosophe est différente, son rôle est de savoir comment se pose le féminisme et dans quelle trajectoire.
Le féminisme s’étudie dans le cadre d’une démocratie, c’est-à-dire un régime politique qui reconnait la dignité humaine pour tout être humain. Cette dignité implique une égalité de droit identique. Ce contexte hypothèque la façon de traiter le féminisme. On le traite en fonction des rapports d’égalité de droit. La représentation inconsciente est que, une fois l’égalité des droits obtenue, tout serait naturellement égal. Or, donner l’égalité des droits est un point de départ et non d’arrivée. Une égalité des droits n’implique pas une exécution car cela dépend de la culture, de la morale, des conditions économiques.
Au-delà de l’égalité de droit, on peut se demander quel est le rapport juste entre l’homme et la femme et comment il est pensé. Le féminisme s’est développé comme une revendication de droits avec la question de l’égalité : peut-on traiter une femme comme un homme ? Qu’est-ce que cela implique ? Est-ce une égalité morale, juridique ? Est-ce une égalité dans l’identité ou dans la différence ? C’est au fond un problème de justice… Quel est le traitement juste ? En France, on pense cette question par le biais de l’égalité alors qu’aux Etats-Unis, par exemple, c’est par le biais de la différence. En France, les lois favorisant la parité ne résolvent pas le problème, certaines l’occultent peut être plus. Les tensions entre la réalité juridique et la réalité dans la vie quotidienne sont toujours d’actualité.